Une petite définition
L’agroécologie est une discipline scientifique issue du croisement de trois ensembles disciplinaires : les sciences agronomiques (agronomie et zootechnie), l’écologie théorique appliquée à un agrosystème, et les sciences sociales et économiques (sociologie, géographie, économie).[1] Son propos est d’analyser, à travers ces trois approches, la gestion d’un agro-éco-système pour maximiser ses productions d’intérêt, tout en conservant ses capacités de régénération des ressources et à fournir des services multiples (préservation de la ressource en eau, contrôle des ravageurs, pollinisation),[1] visant ainsi une production soutenable (communément associée à la notion d’agriculture durable).[2] Cette discipline peut s’employer à différentes échelles, de la parcelle cultivée à un système de production alimentaire complet, en déployant un ensemble de pratiques qui prennent en compte des concepts écologiques théoriques, dans un objectif de développement durable. Ses méthodes reposent notamment sur l’utilisation des processus écologiques et la valorisation de la biodiversité.
Et en France ?

Cependant de nombreux signaux indiquent que l’agroécologie est en passe de devenir un enjeu national pour l’agriculture française, dans les années à venir. Stéphane Le Foll, Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, l’a définie comme une priorité, et a présenté un projet agroécologique pour la France[3] afin d’accompagner les exploitations agricoles vers une transition écologique qui devrait leur permettre de produire plus durablement, tout en demeurant compétitives économiquement. Un appel à projets «mobilisation collective pour l’agro-écologie», doté de 2,5 millions d’euros, vient ainsi d’être lancé.[4] Le belge Olivier de Schutter, ‘rapporteur spécial’ des Nations Unies pour le Droit à l’Alimentation, a par ailleurs inspiré de nombreux responsables politiques grâce à son rapport «Agroécologie et droit à l’alimentation»,[5] comme Pascal Lamy, directeur général de l’OMC.[6] Enfin l’INRA (Institut National pour la Recherche Agronomique) a défini la recherche en agroécologie comme un des deux chantiers prioritaires pour la période 2010-2014.
Quels résultats sur le terrain ?

Un des objectifs de l’agroécologie est de diminuer le recours aux pesticides et insecticides pour lutter contre les adventices et les ravageurs. Ces produits, souvent peu spécifiques, sont dommageables à l’ensemble de la biodiversité, y compris aux organismes qui participent à la protection des cultures. Leur sur-utilisation est impliquée dans l’apparition de résistances, aux conséquences dramatiques pour la flore adventice et les parasites, tout en contribuant à diminuer la diversité biologique globale. Un enjeu des techniques de l’agroécologie est de se baser sur des processus écologiques pour lutter contre les ravageurs et pathogènes des cultures, notamment par l’utilisation de prédateurs biologiques des ravageurs ou l’exploitation de la complémentarité de certaines associations variétales pour les tenir éloignés des cultures ou du moins y contrôler leur propagation.
L’unité expérimentale de l’INRA de Dijon (Epoisses), en Bourgogne, travaille depuis 10 ans en agroécologie sur des systèmes de culture en protection intégrée.[7] Il s’agit donc d’une expérimentation de longue durée cherchant à maîtriser la flore adventice, tout en ayant recours le moins possible aux herbicides. La protection intégrée repose sur l’utilisation combinée d’un ensemble de techniques qui permettent un contrôle fin de la population d’adventices : diversification des cultures (légumineuses) et des successions, ajout de cultures de printemps (orge, tournesol, lupin…) et de cultures étouffantes (triticale), raisonnement du travail du sol, esquive de levée des adventices par le choix des dates de semis, sélection de variétés compétitives, désherbage mécanique… Les résultats obtenus montrent qu’il est possible d’élaborer une stratégie de maîtrise des adventices, tout en réduisant drastiquement le recours aux herbicides, mais aussi en limitant la perte de rentabilité économique, même si les techniques employées se révèlent plutôt complexes à mettre en œuvre, pour des raisons d’organisation du travail surtout.[7]
L’expérimentation doit encore se poursuivre pour vérifier que la capacité à contrôler la population d’adventices n’est pas perdue au fur et à mesure de la sélection des plantes cultivées. En parallèle, il s’agira de préciser davantage le diagnostic écologique, par le développement de nouveaux critères comme des mesures de biodiversité (populations de vers de terres, carabes, micro-organismes du sol…) ou de présence des pesticides dans les eaux souterraines.
Illustrations
Stéphane Le Foll. Photo by Jackolan1/Wikipedia. [cc]by-sa[/cc]
USC Agroecology Center. Photo by Le~Joy/Flickr. [cc]by-nc-nd[/cc]
Bibliographie
- Les mots de l’agonomie, Agroécologie, http://mots-agronomie.inra.fr/mots-agronomie.fr/index.php/Agro%C3%A9cologie
- Agroecology in action, What is agroecology ?, http://agroeco.org/
- Portail du gouvernement (France), Le projet agro-écologique pour la France, http://www.gouvernement.fr/gouvernement/le-projet-agro-ecologique-pour-la-france
- Stéphane LE FOLL lance un appel à projets « mobilisation collective pour l’agro-écologie » http://agriculture.gouv.fr/Stephane-LE-FOLL-lance-un-appel-a
- De Schutter O., Rapport : agroécologie et droit à l’alimentation, http://www.srfood.org/index.php/fr/component/content/article/1174-report-agroecology-and-the-right-to-food
- Caillat S., Pesticides : le «gauchiste» de l’ONU qui a inspiré Marie-Monique Robin, Rue 89, 15/10/2012, http://www.rue89.com/2012/10/15/pesticides-le-gauchiste-de-lonu-qui-inspire-marie-monique-robin-236114
- INRA, Réduire l’utilisation des pesticides, c’est possible !, http://www.dijon.inra.fr/Toutes-les-actualites/Essai_systemes